"Shourouk est une des seules personnes qui offre un émerveillement total."
- Philippe Starck
J’ai rencontré Shourouk Rhaiem en 2017 pendant l’exposition de Jean-Baptiste Marot. C’était la première fois qu’elle osait enfin rentrer dans la galerie. Elle avait des étoiles dans les yeux et un sourire radieux. Étudiante au Studio Berçot dix ans plus tot, elle passait souvent devant. Elle était fascinée par les oeuvres de l’artiste Martin Mc Nulty que j’expose depuis de nombreuses années. Ce fut pour elle une révélation, cet éblouissement lui inspira un rêve secret, exposer un jour dans ma galerie.
Quel plus beau cadeau pouvait-elle me faire ? Réaliser le rêve de quelqu’un, n’est-ce pas l’une des plus grandes récompenses de la vie ?
Shourouk est une maîtresse femme extrêmement touchante et pleine de bienveillance. Elle s’est confiée avec tellement de sincérité que je ne pouvait resister à son désir.
L’exposition est la concrétisation de la représentation sublimée d’une époque vécue douloureusement mais adoucie par l’illusion d’une vie rêvée. Fille d’émigré tunisien et d’une femme dotée d’une grande beauté, Shourouk est née à Paris en 1980. Les aléas de la vie et ses désillusions l’obligent à se raccrocher à l’image d’une existence idéale insufflée par la publicité. Enfant des années 80, les années paillettes, fric, frime ; une époque ostentatoire, déstructurée et multicolore. Shourouk se sent lésée, c’est alors qu’elle se réfugie et s’imagine dans ces courts films qui transpirent le bonheur et l’harmonie familiale. Shourouk s’aide avec la technique du « cut-up* » pour parfaire son idée de la vie. Une petite fille rêve toujours et nous restons des enfants éternellement au fil du temps. Shourouk ne s’aime pas et cet univers va la réconcilier avec elle-même. Le bleu du ciel devient aussi plus lumineux par le prisme de la réclame.
« Si vous utilisez ce produit votre vie va se transformer d’un coup de baguette magique. »
« Mini Mir, Mini prix mais il fait le maximum »
« Tahiti douche, il contient du paradis »
« J’ai deux petit anges... et deux Bonux, ça fait deux cadeaux en plus...
son premier cadeau, c’est la blancheur »
« Lux, je me sens belle, c’est le savon de beauté des stars »
« Le soleil se lève et l’ami Ricoré annonce une vie merveilleuse »
« Avi, le talent sans forcer »
« - Renault Clio, elle a tout d’une grande. - Pas assez cher, mon fils »
« Super Dodu, vous êtes mon sauveur »
« Crunch, le chocolat qui croustille »
Shourouk s’est accrochée à ce rêve et il est devenu réel. Les contes de fées existent, elle sait de quoi je parle. Il y a des loups et des sorcières, mais il y a aussi des fées et un prince charmant.
« Avant j’étais moche, ma vie était un enfer. Je l’ai rencontré, il a tout changé... ça m’amuse... c’est chouette la vie! » Cette exposition pourrait être un hommage à Alice Sapritch qui incarne avec brio la publicité pour Jex Four.
Shourouk sublime chaque produit qui l’a accompagné dans son parcours parfois rempli de tristesse. Elle les fait briller de mille feux, les remercie et les met sur un piédestal. Parfois, nous vivons la réalité pire qu’elle n’est ; et parfois, nous l’embellissons. L’important est peut-être d’en faire une oeuvre d’art. Shourouk sublime l’image de l’ordinaire pour la rendre extraordinaire.
Shourouk est « Jex-traordinaire » !
Marie Victoire Poliakoff
* technique de fragments réarrangés inventée par Brion Gysin
et experimentée par William S. Burroughs.
DU BIJOU À L’ART
Shourouk est une créatrice de bijoux française. Elle est diplômée du Studio Berçot, école parisienne de stylisme. Sa folie des couleurs et de l’ opulence lui a ouvert les portes de grandes maisons de mode telles que Chloé, Galliano et Cavalli.
En 2007, Shourouk crée, avec son associé Pierre Lasquier, sa marque éponyme d’ accessoires. Ses créations faites de cristaux Swarovski font partie d’un univers « strassé » aussi original que luxueux. Chaque collection est inspirée de ses voyages, de l’exubérance des Maharajahs à la pop culture des années 80 en passant par le glamour intem- porel des films hollywoodiens.
Ses bijoux ont attiré l’attention des plus grandes stars internationales telles que Jennifer Lopez, Lady Gaga, Sarah Jessica Parker, Jessica Chastain, Giovanna Battaglia, l’ex première dame des Etats-Unis Michelle Obama, la princesse Victoria de Suède ou la rédactrice en chef de Vogue Japon Anna Dello Russo. Ses créations ont été aussi aperçues sur les plateaux de tournage de séries américaines. Elles ont été portées par les Van der Woodsen dans Gossip Girl, Carrie Bradshaw dans Sex and the City, Aria Montgomery dans Pretty Little Liars ou encore Chanel #5 dans Scream Queens.
Reconnue pour sa démesure artistique, Shourouk est souvent approchée par les plus grands de ce monde. Elle a signé une ligne de maquillage pour Sephora, une collection pour le Lido de Paris et avec Philippe Starck ; la réinterprétation de la chaise « Joa Sekoya ». Elle a également collaboré avec Jean Paul Gauthier pour son défilé Haute Couture Automne/Hiver 2009 sur la thématique du cinéma. Swarovski lui confie de multiples collaborations avec des collections capsules de bijoux, montres, etc... Quant à Sergio Rossi, il l’a choisie pour représenter sa campagne « Partner in Crime ».
Onze ans après avoir fait briller, les femmes du monde entier, Shourouk décide d’ exprimer son talent au travers l’art en signant sa première installation artistique en Autriche pour Swarovski intitulée « Ordinary Life ».
ORDINARY LIFE
Fortement inspirée par les années 80, époque où la folie des soirées du samedi soir devant « Champs-Elysées » de Drucker battait son plein, Shourouk, la « Queen of Bling » en devenir, pouvait s’ émerveiller devant cette esthétique exhubérante ultra glamour.
Pendant ces années Séguéla, où la Pub devient une véritable expression artistique, l’admiration devient inspiration et quelques décennies plus tard, Shourouk réinterprététe ces icônes domestiques et les rends à son tour inaccessibles, telles des pièces de joaillerie.
C’ est ainsi qu’« Ordinary life » nait.
Cette installation en collaboration avec Swarovski dévoilée à Vienne soumet les produits du quotidien à une touche de luxe et de fantaisie. Les bidons de Woolite, d’Ajax, les paquets d’Ariel, les bouteilles de Pepsi, les Pez de notre enfance deviennent de véritables bijoux.
L’ ennoblissement procuré par les compositions strassées donne à ces petits frères des « Brillo Boxes » ou des « Campbell soup » un air de dinette de rêve enchanté et décalé que n’aurait pas renié un Warhol ou un Spoerri.
L'artiste Shourouk Rhaiem dans son installation réalisée en collaboration avec Swarovski à Vienne en 2018.
© Shourouk Rhaiem, Salon 'Galeristes', 2020
Shourouk Rhaiem, Exposition "C'est chouette la vie", Galerie Pixi - Photographies © Kasia Matenska, 2022